Pourquoi le Yen japonais est-il une valeur refuge ?

Avec la que nous sommes en train de vivre, on entend souvent parler de valeurs refuges comme l’or, le ou encore le , la devise japonaise.
Le choix du yen comme valeur refuge peut paraitre étrange vu que le Japon est le pays le plus endetté au monde comparé à son PIB, qu’il a perdu sa place de 2ème puissance économique mondiale, que sa population vieillit, que son déficit budgétaire annuel avoisine les 7 % et qu’il souffre depuis plusieurs années d’une instabilité politique.

Le Yen est une valeur refuge

Le Yen est la 3ème monnaie la plus traitée sur le après l’US dollar et l’Euro. La paire USD/JPY est même la 2ème paire de devise la plus importante avec 20 % des volumes échangés. Le yen est donc une monnaie internationale liquide (il est facile d’en acheter ou d’en vendre en quantité).

Sur ces 5 dernières années, le yen s’est apprécié de 59 % par rapport au dollar américain et de 48 % par rapport à l’euro.

Evolution du Dollar américain par rapport au Yen (Source : Bloomberg)
par rapport au Yen (Source : Bloomberg)

L’éclatement de la bulle internet dans les années 2000 avait également provoquée une hausse générale du yen qui était devenue, une fois de plus, une valeur refuge.

Caractéristiques de la force d’une monnaie

  • Une monnaie dans laquelle les agents étrangers ont confiance car c’est celle d’un pays avec une économie stable et puissante. La confiance qu’ont les acteurs économiques étrangers sur le pays se reporte sur sa monnaie.
    Exemple : la stabilité économique de la Suisse et son endettement faible entrainent l’appréciation du franc suisse.
  • Une monnaie dont le pouvoir d’achat intérieur et extérieur est important.
  • Une monnaie dont le tend à s’apprécier par rapport aux autres devises.

La période de déflation qu’a connu le Japon de 1997 à 2006 a permis de maintenir un pouvoir d’achat intérieur et extérieur important.

Ce n’est pas la croissance potentielle d’un pays qui fait la force de sa monnaie mais la stabilité de cette monnaie pour effectuer des échanges commerciaux à travers le monde.

Une nation vieillissante et endettée

La croissance potentielle du Japon est très faible et sa démographie est marquée par le vieillissement de sa population ce qui devrait lourdement impacter les finances publiques dans l’avenir. Les dépenses en matière de santé devrait passer de 1 % actuellement à 8 % en 2030.

Avec une brute égale à 225,8 % de son PIB, le Japon est la nation la plus endettée au monde en pourcentage de PIB.

Malgré sa dette impressionnante, le taux des bons du Trésor japonais sont très bas, 1,1% pour les obligations à 10 ans contre 2,125% pour les Etats-Unis, 2,25% pour l’Allemagne et 3,75% pour le Royaume-Uni. Ce taux d’emprunt extrêmement bas reflète la confiance des investisseurs dans la dette japonaise malgré son importance.

Pourquoi un taux d’emprunt si bas ?

La dette japonaise a une particularité, elle est majoritairement détenue par les japonais eux-mêmes. En effet, la dette publique du Japon est détenue à 92 % par les acteurs domestiques (entreprises + particuliers) dont 40 % par les banques japonaises car la banque publique de la Poste japonaise a massivement investi en bons du Trésor.

La dette publique totale de la zone Euro n’est détenue qu’a 47 % par des résidents, ce qui laisse 53 % de la dette à des extérieurs qui peuvent décider de vendre leurs titres à tout moment.
La détention de la dette publique par les résidents permet une certaine stabilité, tandis que la détention par les non-résidents entraine une dépendance d’un état vis-à-vis d’investisseurs étrangers souvent inconnus.

Le détention de la majorité de la dette publique japonaise par des acteurs domestiques (résidents) assure au Japon une capacité de financement et au yen une stabilité commerciale et monétaire.
Les personnes devant rembourser la dette (par l’intermédiaire des impôts etc.) sont eux mêmes créanciers de cette dette.

Détenteurs de la dette publique
Proportion
Banques
40 %
Compagnies d’assurance
19 %
Particuliers japonais
17 %
Fonds de pensions publics
12 %
Fonds de pensions privés
4 %
Total dette domestique
92 %
Investisseurs étrangers
8 %
Total
100 %

La crise boursière japonaise a entrainée une chute de 75 % de la Bourse de Tokyo depuis son plus haut en 1989. Cette débâcle boursière a incité les japonais a investir dans les obligations d’état jugées plus sûr.

Le financement de la dette publique japonaise se fait en circuit interne, les japonais se prêtent entre génération. Ce modèle n’est possible que grâce au taux d’épargne qui a été très élevé chez les ménages japonais et une certaine aversion au risque qui les a incité à investir leur argent dans un placement considéré sans risque.

Dangerosité d’un yen trop fort et passivité économique

Le Japon a perdu sa 2ème place de puissance économique mondiale mais il se situe toujours devant l’Allemagne et la France, et reste une grande grâce à ses multinationales (Toyota, Nissan, Sony, Canon, Nintendo etc.). La forte hausse du yen impacte négativement le résultat de ces groupes qui font partie des plus grands exportateurs mondiaux.
Une monnaie forte est donc loin de n’avoir que des avantages.

Le gouvernement japonais a fait part plusieurs fois de sa volonté de faire baisser le yen mais les actions efficaces sont rares et les marchés ont été habitué à une certaine passivité des autorités japonaises face à la hausse du yen.
Le gouvernement a bien tenté d’injecter des liquidités en mars 2011 afin de faire baisser le yen mais l’impact a été de courte durée.

Ce modèle est-il durable ?

Même si la dette japonaise est en grande partie détenue par les investisseurs nationaux, elle peut être menacée.
Le taux d’épargne historiquement élevé des ménages japonais est en chute libre, ce qui réduit la possibilité de trouver de nouveaux financements nationaux. Un relèvement des taux d’emprunt par les marchés aurait un impact désastreux sur l’économie japonaise. Les intérêts de la dette absorbent actuellement 35 % des revenus du Japon alors que le taux d’emprunt est le plus bas du monde.
Le passage à un taux similaire à celui des Etats-Unis doublerait le coût de cette dette ce qui conduirait tout droit à la banqueroute.

En août, Moody’s a abaissé d’un cran la note de la dette à long terme japonaise, passant de Aa2 a Aa3 avec une perspective défavorable. La dette japonaise reste tout de même l’une des mieux notées et le changement de notation n’a eu que très peu d’impact sur le cours du yen et sur les taux des bons du trésor.

Le Japon a encore du temps devant lui avant de devoir affronter une crise lié à sa dette publique. Ce n’est que lorsque la dette publique ne pourra plus être financée par les résidents et que le Japon devra faire appel en majorité aux investisseurs étrangers que les marchés financiers pourront exercer une pression économique qui pourrait déclencher une crise. Ce temps n’est pas encore venu et la dette japonaise reste une valeur sûre, surtout dans le contexte économique actuel où les autres principales dettes souveraines posent problème.

Conclusion

Les principales devises mondiales : le dollar américain, l’euro et le yen sont toutes trois associées à des nations endettées.
Le Japon est même le pays le plus endetté en termes de PIB mais sa dette est quasiment entièrement détenue (92 %) par des résidents japonais (entreprises et particuliers). Les créanciers du Japon sont les japonais eux-mêmes. Du point de vue d’un investisseur étranger, c’est une garantie de stabilité, ce qui explique pourquoi le Japon emprunte à un taux extrêmement bas (1,1 % pour les obligations à 10 ans).
Même si plusieurs éléments montrent que ce modèle économique n’est pas tenable à long terme, à court terme la dette japonaise est moins sensible aux pressions du marché, ce qui renforce son statut de valeur refuge. Par ricochet, la confiance dans le yen augmente.
Le yen est donc une monnaie forte dans laquelle les investisseurs étrangers ont confiance, qui s’apprécie depuis plusieurs années face aux autres devises, qui procure un pouvoir d’achat important à l’intérieur et à l’extérieur du pays, et qui possède une stabilité commerciale et monétaire à travers le monde.

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